Selon les définitions du dictionnaire, un substrat est synonyme de
substance, d'essence ou de fond, sans quoi aucune réalité n'est
possible. C'est également un ensemble d'éléments naturels sur lequel
repose une couche géologique. Enfin, il s'agit d'un "parler supplanté
par un autre parler nettement distinct du premier".
Si je prend la peine
de vous reproduire ce bout de notice c'est tout simplement que les
trois définitions s'appliquent à Substrata. Cet album touche à
l'essence même de la vie, celle influencée par les conditions
rigoureuses du pays natal de Geir Jenssen ; les sonorités mêmes de
Biosphere s'amalgament en un substrat pour ne faire qu'un avec la terre ;
enfin Biosphere soustrait à nos sens le langage par lequel ils sont
devenus trop conditionnés pour le remplacer par un langage hybride,
entre technologie (machines, samples de radios) et procédé élémentaliste
(sources naturelles).
Dépouillée de ces atours techno-house la musique
de Biosphere acquiert une dimension extra-terrestre pour mieux ouvrir
nos yeux et nos oreilles sur la beauté et l'incroyable étendue du monde
(macro et microscopique) naturel. Jamais les nappes n'avaient été aussi
claires et profondes, les mélodies subtiles et d'une rare justesse. Le
temps suspend son vol alors que le soleil embrasse l'horizon, laissant
le bruit assourdissant d'un moteur d'avion ponctuer la quiétude des airs
et briser le voile des nuages, puis d'un effet comparable à un zoom de
camera plonge vers ces colosses de glaces dont la majesté n'a de cesse
d'ébahir ("Poa alpina", magnifique thème ambient assorti d'une mélodie
de harpe). Les volutes de guitares sur "Chukhung" s'emballent grâce à
une réverb' magique, tandis que les nappes illustrent une activité à
mille lieues du calme qui règnent dans les airs.
"Poa Alpina"
Plus loin on navigue en
pleine space-ambient avec les somptueux "The things I tell you" et "Hyperborea" et leurs sons d'outre-espaces faisant écho aux massifs
gigantesques. Ceux-ci semblent d'ailleurs répondre très clairement au
message sur le très dark-ambient "Sphere of no-form" alors que la caméra
continue de tourner sur fond de bande-son de documentaires sur
l'environnement ("Kobresia", "Silene") ou sur des peuplades oubliées de
la "civilisation" ("Antennaria", réminiscence du SPK de Zamia Lehmanni).
"Hyperborea"
La grande variété des atmosphères font de Substrata un
monument ambient unique, transportant l'auditeur d'un paysage à un
autre, le laissant parfois seul et inquiet face à l'immensité blanche
dans une situation propice à la rêverie et à la mélancolie. Et pourtant,
dans cet apparent désordre émotionnel subsiste une réalité que
Biosphere n'a de cesse d'évoquer, celle de la supériorité de la nature
sur l'Homme. Cet hommage d'un homme pour sa terre natale est ici sublimé
en tout point avec Substrata, un incroyable chef-d’œuvre de la
musique ambient, et qui plus est celui du Norvégien sans aucun doute.
Ce texte (légèrement remanié) a été précédemment publié sur Guts of Darkness en Octobre 2005)
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