jeudi 4 novembre 2010

Bioblog : Godflesh part 1 (1988-1991)

 Fondé en 1988 à Birmingham, Angleterre, par Justin K. Broadrick (Final, Fall of Because, Napalm Death) et G.C. Green, Godflesh demeure envers et contre tout un projet unique dont l'influence en matière d'hybridation rock et machines est encore mesurable de nos jours. Sous le joug d'un environnement  urbain déprimant où la rouille et la misère entretiennent un ménage forcé , le duo va transformer rage et haine en un exutoire parmi les plus catharsiques de l'histoire de la musique extrême. Drum-machine ultra lourde, guitares acérées et geignardes, basse en overdrive et chant tour à tour agressif et angélique, la recette fleshienne est implacable et y goûter revient à vivre un passage à tabac mental au plus près des caniveaux déjà saturés d'immondices.


1988 : Godflesh
 Initialement édité en vinyle puis cassette par le label Swordfish Records en 1988 (et réédité par Earache deux ans plus tard avec 2 titres bonus) ce premier mini-album se caractérise par l'aspect très primaire des ses structures et ambiances. Par primaire, il faut bien évidemment entendre une rage et une violence pulsionnelles que le chant écorché (parfois quasi-guttural) se charge d'accentuer. Pourtant les bases sont bien là : une lourdeur à tout casser, une basse déjà bien présente et hypnotique ("Avalanche master song"* ; "Ice nerveshatter") et une guitare lancinante à la limite de la rupture et de la dissonance ("Spinebender", très éprouvant). Les rythmiques enlevées et énervées sont bien sûr d'ores et déjà utilisées ("Weak flesh", excellent, l'entêtant "Veins"), tandis que la chant alterne entre agression directe et texture éthérée sur fond de reverb. Tous les ingrédients du Godflesh à venir sont présent, avec ce côté punk qu'ont souvent les premières productions. La réédition CD comprend un remixe du titre "Wound" (tiré de "Streetcleaner" et rebaptisé "Wounds"), ainsi qu'un version de "Streetcleaner" indus-ambient-bruitiste dérangée. Un début très honorable qui démontre la personnalité unique du projet et qui surtout annonce que nous ne sommes pas au bout de nos surprises...


"Veins"

*dont le nom pour l'anecdote reprend deux titres de chansons de Leonard Cohen !



1989 : Streetcleaner
 Concentré de haine et de douleur, Streetcleaner est sans aucun doute l'un des albums les plus lourds et les plus extrêmes jamais enregistrés. Tout ici est au service d'une rythmique monolithique (drum-machine dévastatrice, un son de basse époustouflant et une guitare en retrait mais terrifiante), les sons sont graves et seuls les quelques accords que Justin Broadrick livre à côté de ses riffs meurtriers nous avertissent que la tonalité change. Une chose est sûre, si vous chercher la sérénité, cet album n'est pas pour vous : du martial "Like rats" au lobotomisant "Locust furnace", en passant par les extraordinaires "Streetcleaner" et "Christbait rising", cet hybride industriel/metal puise ses sources auprès des pionniers du lourd et de l'épique tels que Black Sabbath ou encore Killing Joke, ce dernier étant une des influences majeures du groupe lui-même. Je dis puise donc, et non copie : loin d'une version industrielle agressive des projets sus cités, Godflesh transcende tous les genres par le spectre dérangé d'une musique suffocante et multi-dimensionnelle . A plus forte raison si vous commencez par le dyptique monumental "Devastator/Mighty trust krusher" : un grand groupe, un grand album...**


"Christbait rising"

**Earache a récemment édité une version "remasterisée" par Broadrick lui-même, garnie de versions rares et inédites.



 1991 : Loopflesh/Fleshloop
 Sortie plutôt confidentielle que cet Ep (1400 exemplaires chez Clawfist) qui pour être anecdotique n'en reste pas moins sympathique. Deux groupes reprennent un titre l'un de l'autre : Loop (ici appelé Loopflesh) dans lequel officie Robert Hampson (futur collaborateur de Godflesh) reprend "Like Rats" tandis que Godflesh (ici Fleshloop) s'attaque à "Straight to Your Heart", allégeant quelque peu son style tout en conservant sa patte. Un objet de collection avant tout.


1991 : Slavestate
 Pour un mini-album, en voilà un qui est sacrément long. Regroupant diverses sorties de 1991 sur des supports variés, Slavestate est un pavé froid et inquiétant. Lourd, très lourd, quasiment aucun son aigu sur ce disque, si ce n'est quelques dissonances du sieur Broadrick ça et là. D'entrée de jeu Godflesh nous assomme avec le 'tube' techno-indus qu'est "Slavestate" : nappes synthétiques, loops techno très brutes et rythmique de mammouth en rut. Une véritable bombe que le mur de guitares vient déclencher avant l'apparition d'un chant vindicatif. A contrario, "Perfect skin" ralenti le tout et mérite amplement l'appellation de doom industriel, où seule la voix en retrait émerge pour donner un peu de souffle aux plus claustrophobes d'entre nous. De nouveau des boucles electro, limite new beat, et la rythmique au métronome s'emballe pour cette folie furieuse qu'est "Someone somewhere scorned", sur lequel les riffs lourds accompagnent les rares incursions dans la mélodie dissonante. Pensez-vous que "Meltdown" vous permettra de vous reposez ? Hé bien perdu ! Martèlements incessants de rythmes tribaux, de guitares déchirées contrastés par un chant éthéré et désabusé. Viennent ensuite deux remixes du morceau éponyme, versions electro-techno où le chant se limite à scander des leitmotivs. Une version dub de "Perfect Skin" (déjà le dub), et pour finir une nouvelle version de "Wound", ainsi qu'un morceau bien sympathique, le très lourd "Slateman" où l'on peut entendre du saxophone ! En somme, le duo Anglais est en très grand forme, et leur excellence est sur le point d'éclater au grand jour...


"Perfect skin"

Ce texte est une refonte de chroniques publiées sur Guts of Darkness en 2003 et 2004.



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